header

Extraits Galerie L'artiste Calendrier Critiques Contact Liens

Extraits de mon livre


Jean Fetz, maître du jeu

L'oeuvre de Jean Fetz est riche, quantitativement et qualitativement. Travailleur acharné, enragé, l'artiste fait chaque année une moisson considérable de tableaux, grands et petits, dont une part réalisés sous le soleil de la Provence. Peindre représente pour lui une "véritable et profonde nécessité".

Abstrait à l'origine, dans la lignée de son professeur Marie Banégas, il s'est peu à peu libéré de son modèle pour faire émerger dans son oeuvre une figuration  très particulière sous la bannière de l'expressionnisme. Jean est éducateur de profession et en tant que tel il es "confronté quotidiennement aux réalités psychiques, é la douleur des désarrois, des détresses morales". Ce monde semble trouver sa place dans son oeuvre qui paraît en être le miroir. Mais l'artiste ne l'objective pas, il est impliqué pleinement dans cette "jungle débridée et peuplée des flux et reflux de l'âme". C'est son monde, son paysage émotionnel à lui.

Que nous donne-t-il à voir? Sur un fond généralement abstrait, constitué de surfaces, d'éclats de couleurs souvent vives, se détachent dans un chaos savamment orchestré des scènes composées d'éléments isolés, figures humaines, animaux fantasmagoriues, chaises, tables, vases, bocaux, verres, couteaux... Ces mêmes éléments apparaissent régulièrement dans des arrangements différents dans ses tableaux. La répétition en est presque obsédante. La signification symbolique de ce répertoire hétéroclite semble évidente, quoique difficile d'acccès. Ainsi la chaise, surélevée et vide, serait-elle prélude à la compréhension de l'autre" Dans "Chaise blanche aux couteaux", on aperçoit deux chaises disposées l'une en face de l'autre avec, au milieu, deux énormes couteaux.

Espace de confrontation à venir ou achevée? Le motif des couteaux - souvent en paire - apparaît régulièrement et confrère une dimension inuiétante, voire menaçante aux oeuvres. Les titres des oeuvres sont parfois révélateurs (Die Geier fressen unsere Seelen auf"; "Die Toten von Jericho").

L'oeuvre Jean Fetz est marquée à la fois par la sérénité et l'angoisse. L'être humain est généralement présent, mais s'apparente davantage à un pantin au visage mutilé ou effacé, aux membres estropiés, qu'à une figure heureuse, épanouie. Relégué la plupart du temps dans un coin du tableau, l'homme semble assister, impuissant, au tumulte qui l'environne. Assailli par un bestiaire goyesque, taureaux aus cornes puissantes, volatiles au plumage ébouriffé et au bec énorme en forme de tenailles, il semble être la proie d'une vision angoissante, cauchemardesque. Il y a comme une lutte sourde entre des forces diverses, brutales et poignantes, qui sèment la pagaille sur la toile. Il ne s'agit pas du combat littéral entre l'homme et l'animal, mais de la lutte que l'homme mène contre l'animal qui est en lui. L'homme est l'animal. Motif omniprésent et symbolique: une cage vide d'où s'est échappé un volatile, une sorte de perroquet parfois coiffé d'une couronne. La violance des scènes est renforcée par les contrastes vifs des couleurs et le geste parfois très nerveux du pinceau.

D'autres tableaux sont empreints d'une sérénité bienfaisante. Des intérieurs "aux perspectives décalées et aux géométreis excentriques", des terasses, des salles de bains, des natures mortes composées de vases, de bouteilles, de verres, invitent à un paisible voyage de rêve. L'influence appaisante de la Provence se fait sentir dans certaines des toiles, et l'artiste, à l'occasion, fait un clin d'oeil à Matisse. La palette fauce de Jean est très fouillée et juste dans les nombreux accents et nuances qu'elle développe. Si, autrefois, le coloris était plutôt sourd et assombre, ces dernières années il s'est considérablement éclairci. Les couleurs sont éclatantes de fraîcheur; un véritable feut d'artifice dont on se régale et qui fait le charme de ses tableaux. L'artiste a une prédiliction pour les contours noirs qui renforcent, à l'occasion, le côté décoratif de certains éléments. La superposition de taches ou de traits de couleurs sur un fond donné contribue au même effet.

Certains scènes ne sont pas dépourvues d'une note humoristique, lorsque, par exemple, l'artiste semble se représenter lui-même sous forme d'un volatile fumant le cigare.

Et puis, il y la bonhomie du bon vivant ui est mise parfois en avant, rendue par la présence d'une bouteille et d'un verre de rouge "aux couleurs chaudes, enlevées, étonnantes de vertus qui nus procurent l'ivresse de ceux qui dansent et chantent en compagnie de Dionisos". Dans son monde aux rapports humains angoissants, l'artiste ménage une zone personnelle de bien-être et de bonheur. Fin psychologue, il sair faire la part des choses et s'impose comme une force régulatrice. Il ne plie pas, ne cède pas, reste maître du jeu, comme le demande aussi son métier.


Par Jean Probst