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Galerie d’Art Municipale au Centre Noppeney à Oberkorn :

Oeuvres récentes de Jean Fetz

Je connaissais somme toute assez peu le travail de l’artiste peintre Jean Fetz, dont je n’avais eu jusqu’à présent que l’occasion d’admirer quelques tableaux lors d’expositions collectives du LAC (Lëtzebuerger Artisten Cercle, dont il est membre fondateur), notamment en 2005 beim Engel (rue du Marché aux poissons), à la chapelle du plateau du Rahm et à Strassen, ainsi qu’en 2006, de nouveau au Rahm. Lui-même, je ne l’avais rencontré qu’en passant, ici et là ; aussi, est-ce avec un réel plaisir que j’ai répondu à son invitation au vernissage d’une grande exposition qui lui est entièrement consacrée.

Par-dessus le marché, je dois également avouer ne pas encore avoir mis les pieds avant ce vernissage du 13 mars à la galerie d’art du centre culturel Noppeney.(1) Impressionnant ! Et ce n’est nullement faire preuve d’exagération, si j’affirme ne pas me souvenir d’avoir vu un espace d’exposition communal d’art aussi intelligemment agencé et permettant une aussi excellente mise en valeur d’une telle quantité (une bonne soixantaine) de tableaux de toutes dimensions. L’éclairage habillement agencé permet en outre d’apprécier à sa juste valeur la chatoyante palette chromatique de l’artiste.

Ai-je dit chromatique ? Déjà dans mon article du 8 juin 2005 sur la 3e Biennale d’art contemporain de Strassen, j’écrivis au sujet de ses couleurs : « ... Quant au petit air Matisse – Chagall – Blauer Reiter des tableaux de Jean Fetz, il me rappelle un déjà-vu de qualité (...) Jean Fetz est d’ailleurs le seul exposant avec Frank Jons (plus vif encore), à vous offrir de la couleur à gogo dans une salle dominée autrement par les mi-teintes... »

Rebelotte presque un an plus tard, lorsque, dans mon article « LAC 2006, un feu d’artifice luxembourgeois » du 17 mai j’écrivis : « Jean Fetz, dont je vous ai déjà présenté des oeuvres lors de précédentes expositions du LAC, et que j’appelle en mon fort intérieur (clin d’oeil) le Matisse de service, nous montre trois tableaux dont le premier surtout, « journal intime » fait honneur à son exceptionnel talent. »(2)

Cependant Jean Fetz mérite beaucoup mieux que les quelques lignes que vous parcourez ici et qui ne peuvent en rien décrire la chatoyante commedia dell’arte (toutefois plus dramatique que cocasse) de ses introspections résurgentes. De son style, toujours fidèle à lui-même, l’historien et poète roumain Radu Vasile écrivit notamment : « Le signe de Jean Fetz fait preuve de la même intensité que d’habitude. On dira de son pinceau qu’il taille les personnages et les lieux dans le vif de la couleur, avec une acuité qui sentirait la violence des tragédies si elle n’était pas adoucie et transformée par la joie des nuances, par la familiarité chaleureuse d’un jaune épais et la lumière d’un bleu léger... »

Quasi-omniprésentes, la table mise avec broc, bouteille et verre, une ou deux chaises (ah, la fameuse chaise de Jean Fetz !), mais aussi la cage avec ou sans oiseau, parfois la baignoire, une tente de cirque, un bonhomme clownesque comiquement couronné, un quadrupède bovidé, une tête d’oiseau, un perroquet, etc. ! C’est tout un monde onirique qui s’étale aux yeux du spectateur émerveillé et intrigué à la fois en une orgie de couleurs toujours en harmonie malgré leur extrême vivacité. Cependant, le monde de Jean Fetz est surtout intérieur, ce en quoi il se distingue de l’interprétation ressentie, repensée, mais descriptive du milieu et des sujets, des fauvistes (ou fauves), des expressionnistes et des cubistes, dont, d’une certaine manière, il synthétise les styles. Il y a techniquement du Matisse, du Picasso et du Chagall en lui. Oui, du trait, du style, sans doute, mais le fond est ailleurs. Chez Jean Fetz, la nature morte, qui ne l’est presque jamais, morte, mais plutôt prétexte à la prospection et aux projections de l’âme, vibre à l’instar de certaines scènes d’ensemble de Roland Schauls, de tout un théâtre de vies intenses.

Mais voici mon préféré : un petit tableau – parmi les plus remarquables de la collection – tragique, exhibe derrière et autour de la sempiternelle chaise toute la cruauté du monde concentrationnaire et du génocidaire nazi. Humour noir en exergue ! Arbeit macht frei.(3) L’art contre l’oubli. Ici bien plus qu’ailleurs, la gaieté souvent factice, voire grinçante qui caractérise la plupart des tableaux de Jean Fetz ne masque pas toujours l’horreur enfuie au plus profond de la mémoire... consciente ? subliminale ? ancestrale ? collective ?

Jean Fetz est né en août 1957 à Luxembourg, où il vit et travaille. On trouve ses tableaux aussi bien au Musée National d’Histoire et d’Art, que dans des centres culturels, fondations et banques, ainsi que dans diverses collections au Luxembourg, au Canada, en Allemagne, France, Autriche, Angleterre et aux Etats-Unis. Il a participé à un très grand nombre de foires et salons d’art contemporain, expositions collectives et individuelles. En prime, il vous offre, amis lecteurs, sur son site Internet www.jeanfetz.lu/ une intéressante galerie d’oeuvres crées depuis le commencement des années quatre-vingt-dix jusqu’à nos jours. À visiter seulement en guise d’entrée en matière, d‘antipasto, car il va de soi, que rien ne vaut la réalité (ou sub-réalité) originale et magique de ses toiles exposés à Oberkorn dans l’extraordinaire cadre Noppeney.

***

1) L’exposition Jean Fetz à la galerie municipale du Centre Noppeney à Oberkorn sera ouverte de 15 à 18 h. jusqu’au dimanche 22 mars.

2) Les articles auxquelles je me réfère ont tous paru dans la Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek.

3) « Le travail rend libre » (texte placardé au-dessus de entrées des KZ allemands de la 2e guerre mondiale).